Poèmes de la rue de Berne
Le peuple grouille dès
huit heures
Jusqu’au début du soir,
A Barbès-Rochechouart.
Nous, prisonniers de la langueur
Notre jeteur de sorts,
Souriant peu des folles gens.
C'était en plein hiver têtu.
Je lâchais "Que ça caille...
Ciel bas, grisaille !" alors
Qu'un pigeon con me chiait dessus.
Depuis je damne tous les porches
Du milieu de la rue,
Les gens croient que j’ai bu,
Mon œil flambe comme une torche.
Jusqu’au début du soir,
A Barbès-Rochechouart.
Nous, prisonniers de la langueur
Latente dans ce
mouvement,
Attendions sans remordsNotre jeteur de sorts,
Souriant peu des folles gens.
C'était en plein hiver têtu.
Je lâchais "Que ça caille...
Ciel bas, grisaille !" alors
Qu'un pigeon con me chiait dessus.
Depuis je damne tous les porches
Du milieu de la rue,
Les gens croient que j’ai bu,
Mon œil flambe comme une torche.
automne 1994 - A Barbès Rochechouart
Je veux aller dessus le dos du monde rond,
Funambuler entre la terre et toi, mon astre
Scintillant, ma jolie démesure amoureuse.
La tension qui relie
comblera les cratères,
Nous serons l’air, le
feu, l’eau, la terre, repus;Symbolique incarnée sous nos poses rêveuses.
Nulle cassure, nul
éclat, c’est lisse la
Vie, comme le calme
brasier de l’âme, il fautL’écrire en rupture, à signifier les cieux conquis.
Printemps
95 - Funambuler
La vie commence en
somme, elle sera une œuvre
Etincelante et lente
aux cadences de choixConciliés et roulants sous les aimes d’Emma,
Les mots et gestes que susurre ta peau d’or.
C’est toujours
l’éjection de mon bouillonnement,
Je te dis simplement
par mon prisme, mon mondeTe contient double au rythme des vers où tu es,
Baise ta nuque et baisse aux hautes vocalises.
Ta vue manœuvre mes
émois, sert de cet or
Vrai, seul doublé
dedans ma structure fécondeFormulée d’une main que tes yeux colonisent.
Printemps
95 - Or
J’oublie - c’est heureux - souvent, que je ne suis guère...
Mais c’est là inhérent à mon monde tragique.
C’est que je perds toujours la si chère parole,
Mon amour, et la vieille mine se repose
Sur mon visage vert, noir et mélancolique.
Savoir bien que
toujours le désert n’est pas loin,Vide faisant le fil dont le pied se complaint,
Qui indéterminé, en recherche, y dispose
L’étude de l’espace
et le vers aporie.
Souffle Emma, respirons dans le blanc infini,Le monde entre-aperçu à peine je te serre
Est une fine et claire
chose de l’esprit,
Ondinine silhouette en
mon lac-vie, lactéComme il se doit un peu des restes d’une étoile.
Printemps
95 - Respirons dans le blanc infini
En moi l’eau rêve
d’une douce et onirique
Ondine, source, lac, mère des pages - blancsTableaux, - abîme mis aux phrases flamboyantes,
Tu émerges de ma sanguine gouache bleue.
Instinct-vie décuplé
d’avoir comblé l’espace
Soufflé à toi pour
croître à notre démesureSignifiée, poser les vertiges que l’on croit
D’une forme baroque de gémellité.
Flamme poétique, noie-moi aux pics, dedans
L’inclinaison vers
toi, latente emphase, vœuD’audace, envergure d’abysses à sommets.
Printemps
95 - Une forme baroque
Saint-Lazare dressé
dans la nuit enveloppe
Marche vers nulle part
et son pas développeLa litanie du mécanisme humain filant dans le soupir.
Le train grince. D’ici je t’entends ne rien dire.
Le monde est
tremblotant, les façades bohèmes;
Immobile, je sais une
femme qui sèmeDans mes wagons et mes chaussures ses pétales,
Fleur dont l’air dévoile un vieux mal sentimental.
Elle fut quelquefois
dans l’antre parisienne
Que j’avais
autrefois, quatorze rue de Berne,Avec son baume aux yeux, cœur filant alentour.
Tu vois, Emma, mais
tu le savais bien, l’amour
Va et frissonne comme
aime de chrysanthème.C’est normal, c’est l’antique, étrange chose humaine.
Printemps 95 - Le monde est tremblotant
J’ai couru le pays
d’Haridwar à Kochy
Et de l’Himalaya aux
haltes kéralaises,Où la respiration ample d’une alchimie
Fit nos visages d’univers, ma belle anglaise.
Où se promène Ana, maintenant, je ne sais...
Est-elle à la full
moon dansante du désert ?La vie va sûrement, libre voyage à l’air.
Où se promène Ana maintenant je ne sais.
Savoir la passagère au
visage touché
Par la grâce des fées
qui apaise et repose,Filer l’élan d’un vol énigmatique et rose
Vers les mots à venir
murmurant un été.
Emprunte un alizé dans
ma sphère si vaineAux chauds chuchotements ma chère souveraine.
9.95. - J'ai couru le pays
Saisir l’élan, Sarah, d’un glissement soudain
L’un vers l’autre, jusqu’à deviner une étreinte,Assouvir la caresse du temps lycéen,
Se découvrir ondin pour une ondine feinte.
Je me rejette à
l’encre, Sarah, comme presse
Le temps, tu le sais
bien que le temps est sans gêne- Traits d’union suspendus, notre espace, on s’y laisse
Consumer par son feu à la flamme vaurienne. -
Oh je glisse anodin sur
les pointes de poudres
Et marche plus que de
raison aux labyrinthes...Mais je sais que les femmes si blanches et bleues
Qui semblent
cristallines, tendent à voir sourdre
Dans le vers enflammé
l’amour qu’on crût défunte(Parenthèse ludique feintant l’heure feue).
17.9.95.
- Retrouvailles de Sarah...
Tu le sais bien, Sarah, que les amours sont telles
Ces songes souverains
que le vers éternise;S’en aller, revenir, le train bleu renouvelle
Le flot ancien, encré, refluant à ta guise.
Nulle promesse
susurrée mais le visage
Un peu comme celui des
fées - fantasques lunes, -Sûreté dans l’éclat d’étoile et de nuage,
Luminescence ancrée à son aise aux nuits brunes.
Aussi les yeux, le
timbre, proches des ruptures,
Consonance à l’affût
des voies qui ne s’ignorent,Où l’émotion recèle vagues et murmures.
S’en aller, revenir, légère gestuelle,
Tropismes incessants
des plumes et des corps,Tu le sais bien Sarah que les amours sont telles.
18.9.95. - Retrouvailles de Sarah - 2.
Rue de Naples, en décembre, on croisait une ondine
Qui née depuis des siècles ne mourrait jamais
Et allait, ondulée, comme un cygne, Céline,
Très éternelle et diablotine aux yeux de jais.
Paris en grève, j’étais aux rives de rêves
Et me laissais bercer
par les fumées afghanes,Le ventre drôle et les muscles comme des lianes,
Noués et alanguis par l'amour qui relève.
Se serrer ? Une ondine
est fluide comme l’eau...
M’aimerait-elle ainsi
surnageant avec peineDans ma sphère à l'onde automnale et vaine ?
Qu’importe je
m’en fus, plein de vie, plein de chaud.
Ainsi va-t-on, Céline, un soir de pleine lune,Choses claires au cœur plongeant dans ta nuit brune.
7.12.95. - Rue de Naples en décembre
Je sais près de chez
moi une fée qui attend
Pour s’en aller jouer dans le grand carnaval,
Bras dessus, bras
dessous, bouches roses au vent.
Elle a je ne sais quoi
de celle qu’on désire
Et aspire à l’air
haut des amours sans menaces
Pour aller d’un vol
sûr à la plage argentine.
Irons-nous là, Céline,
à ces continents chauds
Où la peau prend le
hâle épicé du soleil,
Comme font les oiseaux
pour suivre le soleil ?
La tension lunaire
est-elle un voyage,
Rayonnante almée,
quiétude de l’âme,
Par ton ventre fier où
mon âme bout ?
5.1.96.
Je sais près de chez moi
Aller, l’humeur
jongleuse et l’équilibre sûr
Aux bordures du rond dont je suis le milieu,
C’est vivre et c’est sentir, rire bien d’en être ivre.
Du monde qui respire en un tour de magie.
Et des soieries brodées dans d'obscures enclaves.
Allepei, Kottayam, et le temps infini...
10.4.96 - Quand viendras-tu, Céline...
Rue La Rochefoucauld, un
premier soir de mars,
Céline disposait les lueurs frémissantes
Très irréelles de bougies au cœur de ma nuit vacillante.
Je voyageais plein d’elle en leurs ombres éparses.
Je me sentais flamber d’illusions qui essoufflent.
Céline tournoyait, espiègle et fugitive.
Tout amour est chimère et tout exil est vain.
J’étouffais en songeant aux alchimies sanguines.
8.3.96 - Rue La Rochefoucauld
Aux bordures du rond dont je suis le milieu,
C’est vivre et c’est sentir, rire bien d’en être ivre.
Le Taj Mahal dégrade en son exhalaison
Les tons du Mandala modulés selon l’heureDu monde qui respire en un tour de magie.
Un voyageur monnaie, mine lointaine et grave,
De grands shilums
sculptés pour des fumeurs lointainsEt des soieries brodées dans d'obscures enclaves.
Le sac plein de goyaves, aller en backwaters
Sous les arcanes des palmiers et des canaux,Allepei, Kottayam, et le temps infini...
Quand viendras-tu, Céline, sous les ciels bleu de nuit
Ou ses couleurs de feu, tendre aux lunes d’Asie ?
Ou ses couleurs de feu, tendre aux lunes d’Asie ?
10.4.96 - Quand viendras-tu, Céline...
Céline disposait les lueurs frémissantes
Très irréelles de bougies au cœur de ma nuit vacillante.
Je voyageais plein d’elle en leurs ombres éparses.
Près de sa pose rose
aux mines sensitives,
Brûlant de l’enlacer
à moduler son souffle,Je me sentais flamber d’illusions qui essoufflent.
Céline tournoyait, espiègle et fugitive.
J’évitais vainement
ses grands yeux aveline
Pour contrer les
relents de vertiges anciens.Tout amour est chimère et tout exil est vain.
Les sentiments se
nouent, se dénouent, se renouent.
Autour des gens
parlaient sans souci d’incendie.J’étouffais en songeant aux alchimies sanguines.
8.3.96 - Rue La Rochefoucauld
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