Nicolas Lenoir, poète inestimable - 2017



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28/08/2016 12:05

Nicolas
 Hello hello ! te revoilà ! Quelle chouette surprenante joie ! Bienvenue sur FB et à très vite pour des nouvelles. C'est avec ces mots que tu m'avais accueilli quand j'e t'ai contacté sur Facebook. Bordel Nico pourquoi t'es mort !


 Nicolas était un esprit puissant et gracieux, délicat et fort, qui nous laisse la trace géniale de vers foisonnants de l'essence poétique même... 

 On s'est retrouvé sur FB et c'était comme tu dis une "chouette et surprenante joie". On s'est envoyé des photos, parlé de nos familles, nos souvenirs, et c'était chouette même si on n'était plus aussi "bondissants"... Mon cher ami Nicolas, mon camarade, mon voisin parisien, mon vieux poteau, mon inestimable ami, tu as toujours été un Dieu pour moi. Voici quelques-uns de tes textes que j'ai pu rassembler dans l'urgence avec ton concours, sous mon insistance, peu avant ta mort, souviens-toi comme je te pressais. Tu faisais mine de t'en étonner. La mort n'était encore qu'une chose lointaine comme tu me dis lors de notre dernier déjeuner à Rouen, avant notre dernière marche entre les églises de ta ville aux cent clochers.






Dessin au crayon de couleur que tu avais fait à partir d'une carte postale représentant un Sadhu que je t'avais envoyée d'Inde à l'époque où il n'y avait ni numérique, ni internet, c'était la toute fin du 20ème siècle... Comme toujours tu avais détourné le motif principal pour le recomposer avec tes univers… Le papillon c'est Pirou en été et au loin les falaises du Cotentin… 


 Il me manque au moins deux textes... Les Sentinelles... Superbe...


"On les a vues les sentinelles...
Celles...
Que l'on n'aurait jamais dû voir...

Elles apportaient des nouvelles...
Telles...
Qu'on n'en dormirait  pas le soir..."


Qui a "Les Sentinelles" ? Qui possède ce poème ? Envoyez-le moi que je l'ajoute dans cette page ! Envoyez-le moi qu'on le lise !

 Il me manque aussi l'épithalame, à Edouard, ce chef d'œuvre.

 Bordel Nico pourquoi t'es mort ? J'avais prévu de m'abreuver encore de tes discours plus fins que le meilleur Bourgogne. J'avais besoin de toi pour poursuivre ma croissance et éventuellement la terminer. Ça ne m'a pas suffi le dernier déjeuner et la dernière promenade. C'était décembre 2016, bientôt un an. Tu es toujours là sur ce "blog" que tu aimais bien dans ton état poétique et par ce flux poétique, cet état d'être au monde, on percevait le grain de l'air et la poésie magique de chaque espace, de chaque nœud unanimiste et discret. On aimait parler d'unanimisme quand on passait Place de l'Europe sur les ponts surplombant les lignes de trains partant de la gare Saint-Lazare, cela nous rendait plus grands de le percevoir et plus petits de le comprendre. On était habités par la littérature, le vers et le rythme, tout pour nous était poésie.

 Je t'informai de cette page et tu me renvoyas tes textes. "Ton œuvre est bien plus considérable que la mienne, me dis-tu, il me faudra des heures pour tout lire..." ... au fil des jours le con de crabe prenait ses aises... " je ne lis plus beaucoup à la suite maintenant et ma fatigue est grande...". Tu me tins au courant de l'évolution de la maladie, les RDV, les chimios, les derniers espoirs d'immunothérapie auxquels tu faisais semblant de croire...

 Ton œuvre est bien plus considérable que la mienne Nicolas mais nous serons ensemble au paradis des  poètes c'est sûr.
 Chacun de tes textes était le fruit d'un processus lent et rigoureux jusqu'à atteindre le sublime. Crois-tu que c'est cela que nous recherchions ? Tu étais l'art dans toute sa splendeur, une réponse à la mort... et comme je disais si bien... "Mieux vaut faire de l'art que voler du lard ! "... ça t'avait fait marrer ça...

 Pourriture de crabe et notre pauvre condition, on aurait voulu en vivre encore des fêtes, des verres, des clopes inattendues aux textures poivrées d'orient, des rencontres, des phrases et des rires, on aurait voulu encore discuter jusqu'à plus d'heure, on aurait voulu encore profiter de ton génie mon vieux Nico, de tes bons mots, de tes "pensées del jorn" sur ta page FB trop vite disparue, on aurait voulu encore et toujours ton exigence et ta rigueur, ta curiosité infinie et tes comparaisons improbables entre asymptotes et chansons de geste, entre footballeurs et chevaliers à la poursuite du Graal.

 Mais bon, voilà, c'est comme ça, et ça a été une belle et grande fête. Et tu l'as vécue à fond cette vie d'amour, de mots et de dessins, de travail, car tu étais un travailleur acharné, un invétéré bosseur, j'en complexais terriblement, moi le nuage, moi l'errant, j'admirais ta solidité de roc et les caps que tu savais conserver quand je me perdais à volonté dans les stries des cieux, et tu m'aidais à ne pas me noyer toujours davantage.

 Tu as tout accompli mon cher, et plus qu'improbable mais oui, tu as tout réussi, les plus beaux poèmes, les plus beaux dessins, les plus beaux enfants, tu as rendu heureux et fiers ta famille, tes amis, tes élèves et nous t'avons tous admiré j'te jure ! Et jusqu'à la fin dans cette lutte, ton courage froid, extraordinaire et lucide. C'était ta nouvelle vie comme tu disais, ton dernier combat, dernière ligne droite, et tu mis un point d'honneur à bien l'employer et à ne rien laisser passer... Tu étais simple et inévitable… "les médecins ne m'ont pas caché qu'il y avait peu d'espoir…".
 Toujours splendide, toujours vrai, et toujours lointain dans tes sphères parfaites, tes accords parfaits, tes liaisons tellement parfaites comme la beauté de tes passions.






 Je me souviens quand je t'ai rencontré mon ami, je te revois passer, toujours pressé, toujours dynamique, toujours électrique, comme traversé d'un courant qui te faisait plus rapide et plus fort, plus fin, plus lumineux, plus pertinent, plus tout quoi ! Tout le monde te trouvait plus tout. Plus rapide, plus cultivé, plus créatif, plus entreprenant, plus pressé, plus conscient. Tu fabriquais des ponts entre les choses quelles qu'elles soient. Tu étais un architecte en fait, avec toi tous les pans du Savoir se trouvaient reliés. Quant tu parlais, tu approfondissais toujours puis digressais génialement et plongeais dans la clarté, tu expliquais, argumentais, justifiais, précisais, je me trouvais plus intelligent de t'écouter, je n'en avais jamais assez, je ne voulais que t'entendre parler encore et m'abreuver de tes trouvailles et de ta camaraderie, je ne voulais jamais que tu retournes dans ta chambre voisine dans notre rue de Berne, je voulais encore un thé à la bergamote, encore une anecdote, encore une lecture, encore une fumée.

 Ah on était barrés aussi mon vieux Nico ! On ne le savait même pas ou bien si, on le savait et on ne voulait pas le voir, on se disait qu'on y arriverait ! on se pensait encore presque immortels en ce temps là ! Et c'était si bon d'évoquer Borges, Gracq, Larbaud et Levet, Fargue et compagnie. Nous étions des piétons de Paris fin 20ème. Sans parler de ton cher René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque, Violence et sacré… Et en t'écoutant principalement je progressais autant en littérature qu'en sciences naturelles, une de tes autres passions.

 Ton avenir était tout tracé, tu te voulais professeur de fac, spécialiste de littérature médiévale, tu ne te lassais pas des pirouettes de viking. Le mien semblait bien plus incertain mais tu faisais ton possible pour me maintenir sur la route la moins rocailleuse et me maintenir dans l'intellectualisation de l'errance... me dire l'espoir et la vertu de l'exigence.
 Toi t'as été trop fort. Capes et Agreg du premier coup. Tu faisais gaffe avec moi, tu les sentais dangereuses les raves de cette fin de siècle, mais  tu m'accompagnas une fois finalement... "Cette rave, c'est mon "Grand Meaulnes". Un rêve platonique. Une grande joie" m'écrivis-tu sur FB quand nous l'évoquâmes encore il y a quelques mois.

 On s'est bien éclaté pendant ce voisinage mais tu es reparti trop vite vers Caen, Pirou et Rouen, trois endroits de ta chère région que je découvris grâce à toi, tu es reparti trop vite vers l'université où tu devins rapidement une référence de littérature médiévale. J'aurais aimé assister à tes cours qui devaient être si captivants vu les éloges sans cesse reçus ! Je veux dire ici comme tout le monde t'admirait !
 Bordel, pourquoi t'es mort ? J'ai à peine eu le temps de montrer quelques passements de jambe à ta petite canaille dans le jardin rouennais, balle au pied. A peine eu le temps de revoir tous tes dessins encadrés en buvant notre ultime thé à la bergamote.










 Et je te revois en bas de la cage d'escalier avec ton père en train de déménager, Agreg en poche, récompense de ta force de travail et de ton immense culture, alors que je rentrais de ma première Inde et que je n'avais plus de voisin et que je me disais non c'est pas vrai c'est pas possible, tu t'en vas déjà...

 Je me souviens du choc quand j'ai lu tes textes et la "Haie d'Alix", quand je t'ai connu en 93 et qu'on a commencé à écumer Paris comme le fond de nos âmes cousines, j'ai compris le chemin que j'avais encore à parcourir. Je me souviens de ta douceur et de ta tendresse et de ta précision et de ton irréprochable et indiscutable analyse quand tu as lu mes poèmes de jeunesse. Comme tu m'as fait grandir. Tu faisais grandir tout le monde. Je bénis les dieux de t'avoir connu et d'avoir partagé tout ce temps avec toi.

 Lors de nos derniers échanges tu me dis que tu t'en voulais de n'avoir pas davantage bâti ton œuvre romanesque. Tu maîtrisais tant formes et rouages que cette maîtrise, associée à ton esprit d'analyse et de compréhension des choses humaines, t'aurait fait un des grands écrivains de notre génération. Tu resteras le plus grand des poètes. Pour une poignée de textes tu seras à la postérité de ces écorchés qui font poétique le monde et je m'attellerai à les faire connaître.

 Des années sans se voir après mes voyages, mes Indes, mes Asies, mes Afriques, et toujours ce lien indéfectible de poètes par toutes ces lettres et cartes postales que je conserve comme des reliques puis par l'émergence d'internet. 
 Je te retrouvai malade et tu m'écrivis "Hello hello ! te revoilà ! Quelle chouette surprenante joie !"  C'était fin août 2016 et tu ne cachas pas qu'il y avait peu d'espoir. Je te jurai de faire mon possible pour publier tes poèmes, les donner à lire à tous les humains qui se délectent de cette perfection. J'en chialai de ces retrouvailles et de ces nouvelles anéantissantes. Et je m'enthousiasmais comme toi d'ultimes échanges sur la planète Terre.




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 Des lien vers les ouvrages et autres publications de Nicolas :

http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/main/?nicolas-lenoir.html

http://grhis.academia.edu/NicolasLenoir

 Un très beau lien sur Nicolas publié dans la revue Vacarme en octobre 2016 par son amie Dominique Dupart avec un superbe texte. Nicolas était ravi de cette publication. "On pourra écrire Poète sur ma tombe" m'avait-il dit.

http://www.vacarme.org/article2992.html

 Alors on s'est remis à discuter tous les jours et c'était le meilleur moment de la journée… et on discutait comme avant, et on discutait et on discutait jusqu'à ce soir où tu m'as dit il faut que j'aille prendre l'air. Le lendemain matin ta page n'était plus que RIP.

 Lors de tes funérailles à Notre-Dame de Miséricorde à Mont-Saint-Aignan, le 9 février 2017, je suis réconforté par l'intervention d'un homme qui prend la parole (avant que ta sœur Frédérique ne lise ton poème "Chanson d'anniversaire") et fait de toi un portrait vibrant d'exactitude. Il te rappelle passionné de sciences, d'animaux et d'insectes, de politique et débats d'idées, de football... Un très bel hommage comme je lui dirai plus tard sorti de l'église. Je n'ajouterai pas d'autres passions que tu assumas jusqu'au bout... Cette éternelle recherche d'un léger décalage de la conscience et de ressentir plus loin la texture des choses...
 En préparant cet article je retrouve son nom sur le feuillet de messe que j'ai conservé. Il s'agit de Jean Maurice qui fut ton directeur de thèse. Son admiration pour toi est palpable et en faisant quelques recherches je tombe sur cet hommage vidéo dans lequel il parle de ton travail avec François Suard, ton directeur de mémoire à Paris X et Michèle Guéret-Laferté.
 Je note les paroles qui me paraissent le plus te décrire : ton perfectionnisme, la très haute idée que tu avais de ton travail d'enseignant et de chercheur, ton écriture bondissante (savez-vous, Jean, que quand je l'ai connu, Nicolas sautait encore pieds joints par-dessus les bancs parisiens !).
 Jean Maurice  note à raison aussi comme tu étais un immense philologue, un chercheur réel, un littéraire inventif, toujours "souriant", je dirais aussi espiègle, jusque dans ton écriture tout en étant toujours aussi très sérieux, tendu, alerte dans ton comportement et ton intelligence et en même temps "alerté", "inquiet". Je dirais que cette inquiétude naissait de ton soucis de perfectionnisme dans tous les domaines, tu t'inquiétais que ce que tu entreprenais ne soit pas parfait et c'est pourquoi tu parvenais toujours finalement à tendre vers cette perfection. 
 Tout était réuni, dit-il pour finir, pour que tu prennes une dimension supplémentaire... "mais voilà...". Je ne te ferai plus de tours de magie ni n'essaierai encore de t'apprendre les jongleries; tu avais depuis toujours compris que ton chemin de chercheur ne te laisserait pas le temps de te laisser aller à ces passades… mais tu les aimais bien quand même car elles restaient en suspension dans l'air comme les vers…


https://webtv.univ-rouen.fr/videos/jean-maurice-la-derniere-publication-de-nicolas-lenoir-lisotopie-du-saut-dans-le-tristan-de-beroul-et-le-tristrant-deilhart-doberg_53755/

 Je publie donc quelque uns de tes textes sur mon modeste site que tu aimais bien. Les amateurs se délecteront de la puissance fine et géniale d'un maître... maîtrise parfaite du terme, du son, du rythme, évocation si perceptible de l'infiniment grand et de l'infiniment petit, ce qui se joue dans le cosmos et dans le moindre bruissement terrestre, entre les êtres et les êtres, entre les êtres et le vent.
 Je conserve et relis souvent ce texte manuscrit que tu avais écrit pour moi, "Pour un ami voisin" et tes extraordinaires dessins ésotériques.
 Je ne me consolerai jamais de cette complicité infinie trop tôt envolée et de ton départ mon ami et poète inestimable... Je t'aimais comme un frère de l'amitié des êtres humains et comme dirent Montaigne et la Boétie, "parce que c'était lui, parce que c'était moi".







Des poésies de Nicolas...






Le Tout début d’Alix, sur le banc de la digue, un soir

On peut compter, ou non, quand la lame se brise,
Approcher de tels rythmes assez.

Quant à nous :
Non, j’ai l’impression
De ne savoir pas ton pouls,
De ne rien deviner
– Même quand tu es assise
Auprès de moi assez.

On parle des genoux ;
On parle discussions.

Péremption
– Avant même
Que d'avoir commencé.


Au noir :
Deux traits gras d’encre sombre marquent
L’orbite perclus
Du vieux bombyx
Ebloui par tant de clarté,
Qui se détourne.

Au blanc :
Mystère nouveau chez les Parques
(Ou bien il a plu) :
Soudain Alix
Tisse un fil de légèreté,
Qui me retourne.




                                                                                         II
           
                                                                            La Haie d’Alix


Août couchant ; l’horizon n’est pas, le ciel infuse;
Le cœur blêmit, la peau tourne au gris et l’orage
Inonde le pré d’où mon feu, lueur diffuse,
Cassé d’averse, fuit pour abriter sa rage.

Silhouette, la haie traîne sa longue épaule
Fourbue et, rigoureuse étreinte salutaire,
Résiste, mère aux larmes, couvent, Finistère,
Aine de bure, au vent ; et, nourrice des saules,
Niche de rien : mort orme et d’épines dentelle,
Couvain tiède, me tient quand le monde ruisselle.

Ondin, l’homme n’est pas clos, mais hague et resquille ;
Inquiet, son vrai pays palpite à ses rivages ;            
- Souverain! Ses frontières, tissues de naufrages,
Epousent des sentiers qu’ont brigandé les filles.

Orgueil ! L’homme se redouble et vante l’asile
Immense, d’un poitrail grand ainsi qu’une plage ;   
Se figure soleil ! écho de lui, bronzage,
 Enfant dont l’onde seule a sculpté la presqu’île !

Derniers temps, derniers jours.
Le vent croît, la mer ronge,
Ici demeure, autour de quoi le vent cisèle ;

Terrassé d’eau, terraqué de toi qui martèles,
Brune haie, corps perclus des vagues, verte éponge,
Echine à l’horizon ! – Je reste, éparse épave, 
Récifs, regains de toi embusqués, froide lave.

Nada, je n’ai rien dit, ma verte, rien! ma rage.
Août couchant. J’ai fléchi. L’averse a mille glaives
Rudes, qui vont traçant ton nom dans les parages
De moi, mine de rien et sape de ma sève.


                                                                                      III
Au moins l’un

          Hier, et cependant que tu rêvais au loin
          Moi tout seul, amenant mon rêve par la main,
         J’allais tel qu’un enfant qu’on a promis au moins
         Devenir, si ce n’est ton seul songe, au moins l’un.



                                                                                      IV
Absences premières d’Alix, au soleil de l’automne
Cette conque ronde où, sans rien heurter, se glisse
En ondes amples le silence, pâle et froid,
Ce cerceau qu’en trois temps de mes bras je n’esquisse
Qu’en vain, ce métallique et crécellant calice,
Alix, c’est de ton sein la marque en creux, l’effroi.

Je te connais à peine, et tu ne me sais pas:
Ce creux, peuplé par moi d’ombres, de maléfices,
Où que tu sois sera trompeur, et délicat
Le théâtre factice imaginé du cas,
La dentelle à venir de nous que j’entretisse.

Cette conque, je dis : cette coupole, Alix,
C’est ton seing dans l’espace amorphe, qui m’envoie
Tel écho nul de toi pour creux sonnant remix
De ton vol entrevu si près de moi, bombyx
Qui frissonne au vent tiède et diurne de tes voies.

Ah! Je te connais mieux. Nous faisons quelques pas
Au Luxembourg, où frise un soleil à mi-voie,
De miel et de lueurs lactées. C’est un repas
Qu’on fait de l’air d’or brume, épais, diffusé là,
L’un butinant de l’autre, l’un l’autre, la joie.




De consolatione poesis
Mauvais ange parfois, combien me crois-tu digne
De honte, d’ennui lent, qu’un voile noir désigne
Sur mes yeux comme l’ombre lourde d’un larcin ? Combien estimes-tu la promesse que signe Ma main qui se promène aux orbes de tes seins ?

C’est trop. Rêver. Patience l’une, la litote,
Et des autres, pour se pardonner l’asymptote,
Narcisse, s’amuser : douces flûtes, sommeil…
(- Juge après si le compte de mes amours sottes,
C’est d’elles ou de toi qu’il enfle, nonpareil ?)

Or c’est l’hiver ; aux aubes accouchant des trains
Sous le pont de l’Europe où je vais, mal étreint, Chaque matin au vent nouveau de l’inquiétude ; Je passe, et dévoré par mes nuits sans tes reins, Je souris aux fées qui lorgnent ma finitude.

Or c’est Noël ; les airs claquent de toi encor,
Saint-Lazare, bergère dorée, se rendort
Tous les matins et noire, et magicienne, ruse
Sous ses brumes de laine : Ô frimas de ces corps
Pour héros dans l’hiver à l’haleine confuse !

C’est Noël! et les ciels d’aurore sont certains,
Eux ; traînent bleu profond, nappes rouges, hautains, Et me font à mon tour chasser les putes muses.
C’est usuel : t’aimant aux lueurs du matin
Je souffle devant moi ce songe, qui t’amuse.





                                                                    VI

L’Élégie 
Je n’ai pas eu le temps d’écrire ce poème
Alix, ô l’élégie que je voulais bohême,        
Détachée sur les pans verts nus.

J’en tire pour finir au feu rampant qu’on aime 
Du soir, les bouffées drues d’un dernier joint quand même 
Pour étirer ces vers ténus:

 (Détachée: comme une ombre à ces murs étrangère,
 Glissant dessous la porte, enfuie sur l’étagère,
 Ces vers tristes sans loi conçus…

Comme une ombre: glacée, jeune, froide, légère,
Tu n’as pas fredonné l’air non plus des bergères
 Qui bonde les pâtres déçus…)

La chambre est vide et nue, te ressemble à ce point,
Mauvais ange, qu’ému et serrant les deux poings, 
Je guette ta trace subtile…

 …Lisse d’abord et âpre - après, c’est encor loin, 
Après tu glisses douce encor, et je vois moins 
Profond sous ton masque reptile.

La chambre te ressemble, où je tends les deux mains 
En arceaux vers la vitre, étreignant pour demain 
Ton songe aux rais du crépuscule.

Assis planté têtu sur le lino, enfin    
Voilà tout moi figé qui passe, pas trop fin,     
Au feu mes songes ridicules.

 T-shirt. L’été me vêt et frôle, rouge tant, 
La porte hantée close et le manque heurtant 
De ton si fluide courant d’air.


Automne, alors ; et là, octobre survenant,
L’image aussi, qui dort au passé rémanent,  
De tes passées de cet hiver.

Je n’ai pas eu le temps de te dire je t’aime, 
Alix, et ton contour fait cette traîne blême 
D’un spectre embrassé à l’envers. 

Au crépuscule rouge, ailleurs, un jour bohême,       
Je pleure ton fantôme, un an : la joie pas même
D’un fruit tombé sur le pré vert.

Dernier après-midi dans mon studio, à Paris
Août en Manche-octobre en Caux




VII



Athéna Nikê Aptéros




Ah je veux d'Athéna Nikê, 
A ce sol abattue pour son éternité, 
Dire ma révérence. 

(On parle de la vraie lumière :
 Je lui dis un peu d'Hoffmansthal et de poussière 
– Ah c'est de l'élégance ! 

On traîne, ouzo et lune rousse,
Elle blêmit. S'endort. Ce moment la fait douce,
Créant de la lumière)

Ah je veux de ce bouclier
Dire la beauté dure et le marbre liés   
  Aptéros : oh, légère !

Et je peux entre deux paliers
De ruines blanches nues perdues sous les halliers
Deviner son silence
Et sa lune d'hiver.


                           A Athènes et en Manche  



        Poème pour un ami voisin

Antoine nous aurions comme tu dis filé
Partout couru, trompé les heures et gendarmes,
Tronqué le temps; biaisé les contraintes alarmes,
funambulement pris nos élans sans filet.

Nous aurions de nos corps, Antoine, étraves, fait
Au monde allant, du bout de nos luisantes lames
- Semblables fils, aigus de nos cousines âmes -
Des sillons ondoyants selon les cris des fées.

Les oyant les filant nous serions approchés :
Là, fauves effleurant sous la rose une dame
Ordinaire, nous eûmes dit : le monde étame !
Et sans plus l'humer fui pour ne la point faucher.

Ou peut-être aurions-nous, un moment abaissés
Nos noirs pavois, brûlés d'une filante femme,
Dû retremper l'acier de nos proues à la flamme
De la comète, et nous endurcir à l'essai.

Nous aurions de nos vies, Antoine, aux fils ourlés,
Touché à tous les ports, et forts de tous les drames,
Chaque été lui, printemps conquis, l'automne au brame
Filé le bon coton pour l'hiver, de parler.

Ainsi vagant Antoine, estafilant d'excès
La métaphore fluide du fil sur la trame
Serrée du monde, nous aurons cinglé sans rame,
Saigné dans l'onde lisse des mots des accès.

 13.02.95




                                Le Vent


            On l'entend là-bas qui les frôle
            Les flatte doux à tour de rôle
            Par très larges nappes lointaines

            On le sent pétri d'amples ondes
            Gonflé de collines qu'inondent
            Soudain ses cascades soudaines

            On le veut seigneur en ce monde
            Maître des femmes et des rondes
            Air tendu qui jamais n'affale

            On le voit d'azur diffusé
            Rondement et coulant rusé
            Bandant longuement ses rafales

            Ah le vent passe et mes amours
            Gonflent et crèvent à son cours
            Tranquille aux cimes des vieux arbres

            Le vent dépasse (le vent court !)
            D'un coup seul l'esprit un peu lourd
            De mes défaites mémorables

            Ma nuit s'écroule en pans de nues : 
            La lune a ce rayon ténu
            Qui ploie l'épaule des érables.







                           Billet pour iceli très noble dame 


En sept mots je t’écris : « – Ce soir ? »
Et je sais que tu diras non ; 
Et que je n’aurai que ton nom
A me carrer sous la mâchoire.

J’attends un peu. Ce n’est pas long : 
« – Je ne peux pas ; c’est bête histoire
Mais, cette semaine, te voir… 
– Mais dis, comment vas-tu, sinon ? »

J’étais prévenu : c’est le jeu ;
Lui dis ma déception un peu 
Plus, car pourtant j’aurais voulu

De son parfum, de sa chaleur 
Tirer, très doucement goulu, 
« – Si si, ta complice saveur !... »



Beau froid d’hiver


Dans ce bleu ciel d’hiver glacé,
Clair et doux, peuplé de mésanges
Qui s’évertuent, poussières d’anges,
A vivre et se recommencer,
De branche en branche…

Tu es l’or et le vent étranges
Qui viens de joie ensemencer
Le monde qui t’es fiancé
Et que jamais tu ne déranges
Par tes passées.

Tu flottes là, moineau, silence
Assourdissant et propagé
Dans l’air froid et vif, messager
De ces frondaisons nues qui dansent
- Et c’est assez.

Bientôt, d’une saison de plus âgé
A peine, et dans le vent qui lance,
Sevré d’ombre, à pleine cadence,
Tu seras déjà bien changé :
Destinée blanche.

Car blanc est le bleu passager
Dans l’or doux de l’hiver qui penche ;
L’oiselet blond qui re-déclenche
Cet éclaboussement léger :
C’est de la chance.








(cosmiques joyeux)



poème de la photo de profil

Se baigner presque en gris dans la mer presque beige
Avec juste un petit peu de bleu
Et quelques nuages qu’agrège
Sur l’océan mouillé le Tout miraculeux

Campé là droit debout les épaules trapèzes
Rien devant ni derrière un peu 
L’horizon lointain que je baise
Par l’Océan épais dans mon dos si je peux

Morbihan, septembre 2014





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chanson d’anniversaire


Six avril : le soleil d’hiver
M’offre un festin d’anniversaire
De grand bleu et de joie rentrée

Sortez tables sortez couverts
Coupes de champagne légères
Et laissez-moi me rencontrer

Je me sens comme la rivière,
Comme le marcheur solitaire
Qui va suivant le lent courant

Je me sens comme la vipère
Comme la mue de la vipère
Qui se regarde aller devant

Six avril : dans le printemps clair
J’anticipe un sept et j’espère
Que je ne vais pas me rater
Que je ne vais pas me ratant.





rien

J’ai lancé dans les girouettes
Un peu de braises de gala :
Du mauve, du bleu, pour la fête,
Des fraises fraîches trouvées là.
   J’ai pris mon pouls, scruté la lune, 
Poussé mon pas au halo bleu
Et prolongé, fuyant l’enclume
– Au coin droit de la masse un peu.
J’ai cru, sous un toit de colchiques,
   En quille renversée d’azur,
   Pousser, au vent anachronique,
    La plainte des vieilles masures.

La rose s’ouvre… à peine offerte,
   Écartant hors l’écran ses bras,
   La cuisse en contrebas ouverte
    Pour un moment de débarras.

– De l’embarras. Framboises, dunes,
  Trouvées là par cliques au mieux,
   Petites folles d’infortunes
   Pulvérisées parmi les cieux.

Ondes, vous avez la musique,
Souple au mieux, ronde, à l’aventure
   Dessinée dans les cieux pudiques
    Que rien n’éveille que mon pas.

Mars 1999



une petite fille et sa mère à la plage


Très petite, quand elle saute
Les vaguelettes en riant,
On dirait un vieil astronaute
A l’apesanteur s’essayant.

Sa mère se tient tout près d’elle,
Dans ses bonds lui tenant la main.
Elles rient : « En voilà de belles ! »
– Qui ne mouilleraient qu’un lapin.

La plage : « On revient sur la côte ! »
Saura-t-elle dire demain.
La mer est encore assez haute ;
Et sa mère lui tient la main.

Elles sont seules ; d’un coup d’aile,
Le vent leur montre le néant
Et tout, et les choses bien belles :
Et le Beau l’aspire, béant.
Elle est petite, et si elle ôte
Le Reste à la Main qui la tient,
Ni joie, ni promesse, ni faute,
Ne la gêne entre Tout et Rien.

Elle est seule au monde et sa mère
Lui fait beau son miroir d’enfant.
Elle ne voit que l’Univers,
Que Rien, et rien ne l’en défend.

Pirou, 1er août 2003


             Le pinson


Un Pinson fou, à huppe fière,
A fait son choix de la maison :
Huît !… huît ! et ouistiti ! derrière,
Cent fois, sans rime ni raison.

Appelle-t-il sa rombière ?
- Ce n’est déjà plus la saison.
Tomba-t-il tout petit du lierre
Où il eût appris sa leçon ?

Huît !… huît ! et ouistiti ! derrière,
N’importe : il garde le gazon,
Proclamant, de sa trille altière,
L’Universelle Déraison.

1er août 2003.




 ( 10/07/18)
Suite à mes nombreuses conversations avec Frédérique, la sœur de Nicolas, qui nous a quittés hélas peu de temps après son frère, j'ai contacté sur facebook "La Maison Tellier" qui m'a envoyé le texte Les Sentinelles. Nicolas l'avait écrit pour ce groupe dont le chanteur Yannick était un de ses amis. Il en était très fier et m'en avait parlé lors de notre dernière rencontre à Rouen. Le texte est chanté sur le dernier album de La Maison Tellier, vous pouvez entendre ce texte chanté et avoir un aperçu de leur travail sur Utube. Un grand merci à vous LMT j'adore relire ce texte et sa mise en musique est superbe, et j'ai adoré vous découvrir et que vous interprétiez mon vieux pote Nicolas Lenoir.


Je les ai vues les sentinelles
Celles
Que je n’aurais jamais dû voir
 
Elles apportaient des nouvelles
Telles
Qu’on n’en dormirait pas le soir
 
Moi je ne voulais plus de celles
Ma belle
Qui nous volaient tous nos espoirs
 
Et j’ai chassé les hirondelles
Du ciel
Où elles faisaient une ombre noire
 
Mais le propre des sentinelles
Celles
Que je n’aurais jamais dû voir
 
C’est que revenant d’un coup d’aile
Telles
Mille faux dans le ciel du soir
 
Elles ont saisi ton étincelle
Ma belle
Et m’ont replongé dans le noir.
 
Je les ai vues les sentinelles
Celles
Que je ne voulais plus voir
 
Elles sont parties où s’en vont-elles
Les veilleuses du désespoir
Les signes et les sentinelles
De ta grande envolée du soir


 Adieu Nico

2 commentaires:

  1. Ils étaient potes les deux mecs ??? C'est deux grands là, deux immenses, l'auteur du blog qui écrit sur son pote c'est ça ? Vas-y je lis toutes les pages je tripe.

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