6/1997 - Louis Brauquier, poète au long cours

Louis Brauquier, poète au long cours

Article paru dans la revue Les saisons du poème, n°26, juin 1997.


 Redécouvrons le sillage de Louis Brauquier, poète des Messageries Maritimes.

 Comme les Cartes postales de Levet ou le Hiers bleus de Nau dont on a pu dire ici la valeur et l'originalité sensible, les poèmes de Brauquier mettent en jeu un monde internationaliste appelé à devenir sans frontières, celui du cosmopolitisme, de l'ailleurs et de la fraternité.
 Brauquier, poète au long cours s'il en fut, a lu Levet, Loti, Nau et Chadourne, Larbaud et Cendrars. Dans leurs itinéraires exotiques, maritimes, polyglottes, ouverts sur unité du moi appréhendée à travers la pluralité des langages et des cultures, son œuvre multiplie les noms propres et chantants de terres lointaines. Elle laisse s'épanouir l'élan d'un caractère qui dirigea toujours consciemment ses choix vers la simplicité formelle et l'internationalisme idéal et pacifié. Son équilibre est celui d'une existence perpétuellement en transit entre nouveau départ et nouveau retour.

 Brauquier naît à Marseille en 1900. Son enfance, rue de la Liberté, est bercée par les récits entourant son arrière-grand-père, douanier aux Antilles, ses grands-oncles, fonctionnaires des postes à Alger et au Gabon; un autre encore, commissaire de la marine. Ses premiers pas dans le monde vont orienter toute sa trajectoire... "Dès que j'ai su marcher, on m'emmenait à chaque arrivée et à chaque départ de mon oncle, à la Joliette. Les navires étaient des paquebots d'assez faible tonnage, construits pour la course (...) ils s'appelaient l'Australien (celui sur lequel est né Philippe Chabaneix), l'Armand Béhic (celui de Levet), l'Ernest Simon (celui de Partage de midi, de Claudel), le calédonien, le polynésien... jamais je n'ai oublié l'odeur des coursives où se mélangeaient celle de la peinture fraîche, celle poivrée qui venait des cales, et celle, opaque, de l'opium, que fumaient dans leur poste, au-dessous de la ligne de flottaison, les boys chinois".

 De fait, Marseille occupe une place centrale dans l'œuvre de Brauquier, déployant comme leitmotiv ses voyages appelés, ses décors, sa variété. L'animation pittoresque et colorée dépeinte dans Place de la Joliette symbolise l'unanimisme du poète en débordant vers des cadres élargis... "La traverse des Messageries Maritimes prend naissance à Yokohama / Le trottoir sent l'Extrême-Orient et la cuisine / Grasse des bars ". Par la vie du port, Brauquier perçoit et exprime la présence diffuse du monde entier et s'émeut du kaléidoscope des idiomes et des races... "Cent mètres de la rue Beauvau / Comme vous possédez le monde". Marseille, point d'origine d'où partent, et vers où convergent toutes les routes commerciales, toutes les aventures... "Marseille, Je reviens vers les premiers départs". Ou encore... "Je voudrais qu'un ami me tape sur l'épaule / Et dise : il y a longtemps que je ne t'ai plus vu", la vitalité du négoce et toutes les figures du port du pilote au docker... "J'ai déchargé du blé qui venait du Mexique (...) Et des machines agricoles d'amérique / Des balles de coton qui portaient des noms d'îles / Des caisses qui sentaient la Chine et l'acajou", en passant par le marin et la prostituée... "O cantique des cantiques / Une fille à deux rouquins / Que l'on sent américains / Fait des prix transatlantiques".

 Comme l'oncle embarqué sur l'Athos, des messageries Maritimes, dont il attendait le retour d'Afrique ou d'Asie avec sa mère, en arpentant la Cannebière, Louis Brauquier réussira une longue carrière dans cette même compagnie dont le nom est comme une invitation au voyage. 
 Il traverse le canal de panama et celui de Suez, travaille plusieurs années en Australie, à Sydney, puis en Egypte (Port-Saïd, Alexandrie), voyage aux Nouvelles-Hébrides, à Papeete... Il vit encore à Saigon, à Ceylan, Djibouti, Madagascar, Shangaï, en charge de responsabilités toujours plus importantes, coordonnant les transports de marchandises, gérant le va et vient des navires. Quelques mois avant la mort du poète survenue en 1976, ces fameuses M.M pour lesquelles il sillonna tant de mers, d'îles et de ports, devait fusionner avec la Compagnie Générale Transatlantique (celle de John Antoine Nau) qui s'élançait du Havre vers les Amériques.

 Au gré de ses retours, avec le concours de son ami d'enfance Gabriel Audisio (poète et romancier marseillais, animateur du mouvement pour une culture méditerranéenne) et d'Emile Sicard (qui dirige alors la revue Le Feu, Brauquier publie ses premiers recueils : Et l'au-delà de Suez (1923, prix Catulle Mendès), Le bar d'escale (1927) et l'on trouve ses poèmes dans la revue Europe ou dans la NRF. Chez Gallimard paraît Eau douce pour navires (1931). Citons encore Liberté des mers (1941), Ecrits à Shangaï (1950) et Feux d'épaves (1970) dédiés à une tardive amitié, celle de Saint-John Perse. Autres rencontres important, celle des écrivains Marcel Pagnol et Francis Carco.
 La Table ronde (rééditeur de Levet) a rassemblé tous ces ensembles dans "Je connais des îles lointaines".
 
la suite arrive j'ai pas le temps
 







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